Mémoire originalDéveloppement psycho-intellectuel des enfants drépanocytaires ayant reçu une allogreffe de cellules souches hématopoïétiquesDevelopment of psychological and intellectual performance in transplanted sickle cell disease patients: A prospective study from pretransplant period to 5 years after HSCT
Introduction
La drépanocytose est une maladie autosomique récessive dont l’expressivité est très variable, allant de l’absence de symptômes à des tableaux très sévères. Elle associe une anémie hémolytique chronique due à la falciformation des hématies et une affection de l’endothélium. Dans les formes sévères, il s’agit d’une maladie fréquemment douloureuse au cours de laquelle peuvent s’exprimer des symptômes fonctionnels liés aux crises vaso-occlusives, aux épisodes de séquestrations spléniques et de syndrome thoracique aigu et aux accidents vasculaires cérébraux (AVC), notamment. Ces AVC peuvent être responsables d’un handicap physique mais aussi psycho-intellectuel [1], [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8], [9], [10], [11], [12], [13], [14]. Le pronostic vital peut être engagé. Les enfants atteints d’une forme symptomatique de drépanocytose doivent réorganiser leur manière d’être au monde et parfois se figurer leur propre mort. À la gestion de la douleur s’ajoutent la fatigue et les hospitalisations qui impliquent un absenteïsme scolaire ayant un retentissement sur l’investissement de la scolarité qui peut aller jusqu’à un désintérêt des apprentissages. Cette maladie, comme de nombreuses affections chroniques apparaissant dès la petite enfance, interfère avec le développement physique mais aussi psycho-intellectuel et affectif de l’enfant atteint. L’anémie chronique, les hospitalisations fréquentes, la déscolarisation qu’elles induisent peuvent participer également à de moindres performances psycho-intellectuelles [15], [16], [17]. De leur côté, comme dans toute maladie génétique, les parents sont confrontés à une impossible réparation.
L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (HSCT) est la seule thérapeutique curative. Elle n’est actuellement utilisée qu’en situation géno-identique, c’est-à-dire lorsqu’il existe un donneur intrafamilial parfaitement compatible (le plus souvent un membre de la fratrie de l’enfant malade). L’aggravation du tableau clinique ou la mise en évidence de facteurs de risque de complications (notamment le diagnostic de vasculopathie cérébrale infra-clinique) doivent conduire à la proposition d’un projet de greffe. Bien que donnant d’excellents résultats dans cette affection, cette technique n’est pas dépourvue de risques et peut entraîner de lourdes séquelles, dont une stérilité. La greffe implique la fratrie et affecte voire bouleverse le fonctionnement familial. Elle peut constituer un choc traumatique qui scinde la vie du patient en un « avant » et un « après », directement lié à l’intrusion d’une réalité extérieure. Elle implique une hospitalisation longue et douloureuse, différente des hospitalisations antérieures qui consistaient essentiellement à soulager la douleur. De plus, elle constitue une irruption traumatique touchant au transgénérationnel, du fait du mode de transmission génétique de la maladie et de la fréquente stérilité induite par le conditionnement myélo-ablatif utilisé en pré-greffe.
En France, plus de 200 sujets drépanocytaires ont été greffés, constituant probablement la plus importante cohorte du monde. Notre travail rapporte l’évaluation prospective de l’évolution psycho-intellectuelle d’enfants drépanocytaires traités par la HSCT dans l’unité de greffe du service d’hématologie pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré à Paris.
Section snippets
Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude prospective menée de 1992 à 2006 auprès des enfants drépanocytaires S/S allogreffés. Des évaluations des performances psycho-intellectuelles par les échelles de Wechsler adaptées à l’âge de chaque sujet ont été menées de façon longitudinale, en pré-greffe puis à 3 et 5 ans de la transplantation. Ces échelles sont validées au niveau international. Pour les enfants de moins de 6 ans, nous avons utilisé le WPPSI-R (Wechsler preschool and primary scale of intelligence –
Résultats
Dix-huit enfants drépanocytaires S/S ont été greffés dans notre service entre 1992 et 2006. Trois enfants n’ont pu être inclus : l’un était décédé précocement durant la procédure de greffe, un second était trop jeune pour être évalué en pré-greffe et la famille du troisième a refusé de participer à cette étude. Quinze enfants et adolescents ont donc été inclus. Il s’agissait de 8 filles et 7 garçons, d’âge médian 8,8 ans (4,7 à 13,2 ans) lors de l’évaluation pré-greffe. Tous les enfants étaient
Discussion
La population étudiée ici partageait des caractéristiques communes la rendant globalement homogène : pathologie et ses conséquences, origine ethnique, milieu socioéconomique. Les enfants étaient, pour la majeure partie d’entre eux, issus de familles défavorisées aux plans socioéconomique et scolaire, et parfois peu compliantes. En limitant notre protocole à la passation d’une échelle de Wechsler, nous sommes parvenus à tester tous les enfants aux 3 temps prévus. Selon Mercer, « il est
Conclusion
Notre étude a permis de montrer objectivement qu’à 5 ans, les capacités psycho-intellectuelles des enfants drépanocytaires greffés sont nettement améliorées, exception faite de l’IVT – reflet des troubles praxiques – qui ne bénéficie pas de la greffe. Ces difficultés praxiques doivent être prises en charge très précocement dans le parcours de soins de ces enfants. Ceux-ci sont déstabilisés au moment de l’étape clé que constitue la réflexion les obligeant à un retour à eux-mêmes qui apparaît vers
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Remerciements
Le présent travail a été initié par le regretté Professeur Étienne Vilmer, chef du service d’hématologie pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré depuis son ouverture en 1988 jusqu’à sa disparition prématurée en 2004. Que ses proches trouvent ici l’expression de toute notre gratitude. Le présent travail a aussi fait l’objet d’une communication orale lors du congrès de la Société américaine d’hématologie (Nouvelle Orléans, LA, États-Unis, décembre 2009).
Références (29)
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Drépanocytose : étude de la mortalité pédiatrique en Île-de-France de 1985 à 1992
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