SynthèseLa préservation de la fertilité dans les cancers de l’enfantPreservation of fertility in children with cancer
Introduction
En France, 80 % des enfants qui vont développer un cancer avant l’âge de 15 ans survivront [1]. Protéger leur fertilité et donc leur qualité de vie future doit être un enjeu majeur de leur prise en charge. La loi de bioéthique de 2004 (article L. 2141-11) autorise « toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d’être prématurément altérée, à bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement de l’intéressé et, le cas échéant, de celui de l’un des titulaires de l’autorité parentale ». Plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord, le risque d’infertilité reste relatif. Effectivement, Anderson et al. ont publié des grossesses spontanées chez 5 de leurs patientes après cryoconservation d’un ovaire pour traitement considéré comme stérilisant [2]. Ensuite, la plupart des techniques de restauration de la fertilité et d’utilisation des tissus germinaux relève de la recherche. La cryoconservation n’est donc pas souvent proposée aux patients que ce soit chez la fille, chez le garçon et même chez l’adolescent [3], [4], [5]. Pourtant, la demande des parents est réelle [6], [7]. Enfin, l’enfant ne pouvant, dans la plupart des cas consentir, les parents doivent décider dans le meilleur intérêt de leur enfant [8]. Les refus sont rares, moins de 4 % des cas [9]. Le prélèvement peut se faire même si l’un des 2 parents refuse à condition que l’autre parent et l’enfant acceptent. En cas de refus des 2 parents, le ministère public peut être saisi mais la démarche administrative est longue. Le prélèvement ne peut se faire si le mineur refuse même si les parents acceptent.
La première étude sur la fertilité après un cancer date de 1987 quand Byrne et al. ont montré un taux de grossesses moins important chez les survivants du cancer après radiothérapie sous-diaphragmatique [10]. Les chimiothérapies et les radiothérapies externes (pelvienne, testiculaire, craniale, spinale ou corporelle totale) ont des effets délétères sur la puberté et la fertilité. Ceux-ci dépendent de l’âge auquel l’enfant a reçu le traitement, de la nature, de la durée, de la dose du traitement et de la sensibilité de chaque individu [11]. Les risques d’hypofertilité ou d’infertilité diffèrent en fonction de la pathologie et du traitement reçu et sont résumés dans les Tableau I, Tableau II [12].
Il faut distinguer l’insuffisance gonadique aiguë et définitive, qui existe dès la fin du traitement, de l’insuffisance gonadique prématurée secondaire qui se traduit notamment par l’arrêt des règles avant l’âge de 40 ans [13], [14].
Chez le garçon, la maladie, en soit, peut déjà altérer le sperme [15], [16]. Les spermatogonies, contrairement aux cellules de Leydig et de Sertoli, sont, du fait de leur index mitotique élevé, très sensibles à la chimiothérapie avec un taux d’azoospermie qui varie de 17 à 82 % en fonction du type de chimiothérapie [17], [18]. La radiothérapie a, quant à elle, un effet délétère sur les fonctions exocrine et endocrine [12], [13]. Les spermatogonies sont plus sensibles que les spermatozoïdes adultes, altérées dès 0,15 Gy [7], [19] et totalement détruites pour une dose de 4 Gy. Les cellules de Leydig sont plus résistantes à la radiothérapie, sensibles pour des doses de 20 Gy chez l’enfant pré-pubère et 30 Gy chez le sujet pubère [20].
Les filles, quant à elles, naissent avec un nombre définitif de follicules primordiaux qui décroît avec l’âge, par atrésie ou par maturation [14], [20]. La chimiothérapie et la radiothérapie entraînent une déplétion prématurée de ce pool de follicules avec un risque d’infertilité ou d’insuffisance ovarienne prématurée [12], [17]. La fille pré-pubère est donc moins sensible à la chimiothérapie que la femme pubère car son pool de follicules est plus grand [14]. Quant à la radiothérapie, la dose de 2 Gy détruit la moitié des follicules [12]. Wallace et al. ont montré qu’il est possible de prédire l’âge de survenue d’une insuffisance ovarienne en fonction de la dose de rayons reçue. En effet, les doses de 20,3 Gy à la naissance, 18,4 Gy à 10 ans et 16,5 Gy à 20 ans sont stérilisantes [20]. L’utérus est également atteint en cas d’irradiation pelvienne avec une diminution de son volume, une atteinte de sa musculeuse et de sa vascularisation [17] entraînant des complications à type de fausses couches, d’accouchement prématuré ou de retard de croissance intra-utérin [13], [15], [17]. Au niveau ovarien, les lésions histologiques observées après chimiothérapie et radiothérapie, en plus d’une réduction du nombre de follicules, sont une atrophie ovarienne, une fibrose stromale, une altération des cellules de la granulosa et une sclérose des artérioles ovariennes [11], [21].
Les techniques de préservation de la fertilité varient en fonction du sexe et de l’âge du patient [16]. Elles nécessitent la participation d’une équipe pluridisciplinaire avec des médecins oncologues, des chirurgiens, des médecins et des biologistes de la reproduction et des psychologues.
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En cas de radiothérapie
La protection du testicule de la radiothérapie se fait par blindage de la région testiculaire ou pelvienne ou bien par transposition testiculaire. Cette dernière se fait soit par positionnement du testicule en intra-abdominal soit par retournement sur le grand oblique en cas d’irradiation scrotale.
En cas de chimiothérapie
La technique de préservation de la fertilité en cas de chimiothérapie varie en fonction de l’âge de l’enfant. Chez le garçon pubère, elle se fait comme chez l’adulte par conservation de sperme. La
Conclusion
La préservation de tissu gonadique doit être proposée en cas de traitement à fort potentiel stérilisant même si la maturation des cellules germinales immatures est encore incertaine chez l’enfant. Les enfants traités aujourd’hui seront demandeurs d’une Assistance médicale à la procréation dans 20 ou 30 ans, laps de temps permettant d’espérer de nombreux progrès dans l’utilisation des tissus germinaux prélevés.
Déclaration d’intérêts
les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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